Romain, du cep de vigne au stylo
Art objects
Municipalities of Fronsadais

Romain valorise une matière première locale, des ceps de vigne en l’occurence, vouée à la destruction. Il imagine, réalise et met en valeur de superbes objets du quotidien.

J’ai rencontré Romain Guionie dans son atelier à Saint-Michel-de-Fronsac en Gironde, passionné par son métier d’artisan d’art et passionnant par ses récits. La scolarité ne l’enthousiasme pas vraiment. Il est le bout-en-train de la classe. Il débute donc son activité professionnelle à l’âge de 17 ans par un travail alimentaire dans les vignes pendant 4 ans. Il peut ainsi passer son permis de conduire et être autonome. Il occupe ensuite un emploi d’ouvrier dans la métallurgie pendant huit ans. Parallèlement à celui-ci et amoureux de la nature, il entame une formation d’apiculteur, le week-end, au sein de deux associations. Il utilise des palettes réformées pour fabriquer des ruches. Au terme de deux ans, Romain voit s’envoler son rêve de créer son entreprise d’apiculteur ne pouvant assumer le coût trop élevé de l’installation. Il achète du matériel pour travailler le bois et fabrique des meubles pour son enfant. Autodidacte, il pratique le tournage sur bois. Il souhaite mettre sa région natale à l’honneur et a l’idée d’utiliser des ceps de vigne pour fabriquer le corps de stylos, futurs cadeaux pour sa famille, ses amis.

Lors d’un salon international du train qui se déroule tous les deux ans à Berlin, Romain propose ses créations à son employeur qui cherche un présent à offrir à ses clients. La direction est conquise par ce projet et lui commande 50 pièces. Un dilemme se pose. Romain doit s’inscrire à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat pour honorer ses premières ventes. Il crée son entreprise le 1er juin 2018, encouragé par son employeur, tout en continuant son activité dans l’entreprise de celui-ci. Se présente alors l’obligation de créer son identité, sa marque. Après maintes réflexions, une nuit d’insomnie, une inspiration naît : “Un arbre, deux vies”. Le bois et la nature le fascinent depuis toujours. Un logo suit. Ce sera R, non seulement l’initiale de son prénom, mais aussi R de recyclage R de récupération, R de revalorisation, R de ressources. 

Il se met en quête d’entreprises laser pour graver ses créations. Avec ce stylo élégant et magnifique il prend une revanche sur cet objet, “instrument de torture” à l’école.

Romain participe à des salons de l’artisanat, des marchés de Noël. Les médias se font écho de sa réussite, de son activité innovante : transformation de ceps de vigne en stylos. Il est convié à de nombreux salons, répond à des interviews. Il quitte son emploi d’ouvrier et entreprend une reconversion professionnelle. 

Après huit mois en sein du Centre des Compagnons de Floirac, Romain obtient un CAP de menuisier. En 2021 il est reconnu artisan d’art, métier qui transforme la matière, différent d’artisan qui fabrique à partir de la matière : meubles, aménagement d’habitation…Il réalise divers objets émanant de ceps de vigne, de caisses de vins, de bouchons en liège, de barriques réformées : stylos, on en a parlé, et leur écrin, manches de rasoirs, lampes, dessous de plats, porte-clés, magnets, cadres photos, planches à apéritif, bougeoirs, tire-bouchons, marque-pages. Chaque pièce est unique. Il peut désormais personnaliser à la demande ses créations, ayant acquis un graveur laser.

On le sollicite pour des mariages, des cadeaux d’entreprises et personnels, des articles publicitaires… Romain contacte les châteaux, principalement dans le Frondais pour respecter la proximité, à la recherche de la “matière première”. Aujourd’hui, devant le succès de son activité, les châteaux le livrent directement. Huit mille à dix mille ceps de vigne sont nécessaires pour élaborer deux mille stylos par an, une perte considérable ! Il propose des sacs de ces rebuts à l’école du village ; ils serviront de bois de chauffage ou pour les barbecues et seront vendus pour financer des voyages scolaires. Rien n’est donc totalement perdu.

Des manifestations sociales fin 2018 empêchent la tenue des marchés de Noël ainsi qu’une exposition qui devait durer un mois et pour laquelle Romain avait été sélectionné pour représenter la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Nouvelle-Aquitaine. Par la suite la COVID contraint les boutiques à fermer. Romain n’a plus de revenus.

 Cette inactivité forcée l’oblige à se remettre en question. Internet est aussi une vitrine ; sa première vente par ce biais se fait vers les Etats Unis. Un marché important est également déployé vers la Belgique. Sur place, à Saint-Michel-de-Fronsac, les touristes de passage sont surpris par ces créations novatrices, originales, remarquables, belles. Plusieurs points de vente commercialisent également sa production, vraie mise en lumière de son activité pour laquelle il a mis tant d’énergie.

Romain est aussi très actif dans le cadre d’associations d’artisanat d’art pour faire perdurer cette discipline : à Saint-Emilion et Fronsac en Gironde, à Chalais en Charente… Il s’investit pour le futur, pour permettre aux jeunes générations de s’épanouir à leur tour dans leur passion et d’en vivre.

Quelle victoire et quelle réussite pour Romain ! N’hésitez pas à lui rendre visite.

24 mai 2025

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