Il y a fort longtemps, durant le Magdalénien moyen, vers 13 000 av. J.-C., vivait une jeune femme d’environ 25 ans.
Chaque jour, elle se réveille avant l’aube, dans l’abri sous la roche où sa famille trouve refuge. Le froid de la nuit est encore là, mais la journée sera bien remplie. Elle prépare les peaux chassées la veille pour en faire des vêtements et des couvertures. Elle cherche des racines, des baies et des herbes, tout en participant à la chasse et en préparant les outils en pierre. Le gibier et les poissons sont essentiels à leur survie. Le soir, autour du feu, elle écoute les histoires et admire les dessins sur les parois de la grotte. Elle croit que les esprits des ancêtres veillent sur eux et que les âmes des morts poursuivent leur chemin. La vie est dure, mais elle sait que chaque geste, chaque pas, les relie à la terre et aux ancêtres. Ils survivront, comme ceux qui ont vécu avant eux.
Elle est une femme importante au sein de sa communauté, à tel point que, lors de son décès, elle est parée d’un collier de dents de rennes percées de deux trous, et entourée d’os gravés, de silex, de cornes de rennes, de saïgas, d’une tête de cheval et d’os de renards.
En 1934, M. Robert Blanchard, membre de la Société d’étude préhistorique, demande à M. Chauveau, facteur à Cadillac-en-Fronsadais, de poursuivre les fouilles commencées en 1929 à Saint-Germain-de-la-Rivière. C’est là, à l’entrée d’un couloir de onze mètres qu’il a creusé sous le rocher, qu’il découvre la sépulture de la femme, constituée de deux pierres soutenant une dalle bombée d’environ cent vingt-cinq kilos.
Le tumulus où reposait cette dame devient aussitôt un sujet d’étude. Les découvertes, comme l’odeur du vieux cuir d’une peau tannée, et les bijoux mystérieux sont envoyés à Paris, dans les laboratoires du Muséum national d’Histoire naturelle. Là, des archéologues et des chercheurs, fascinés, scrutent chaque fragment, chaque reste, cherchant à comprendre les mystères du passé. Le collier de canines de cerf, rare et précieux, est particulièrement étudié. Il raconte des échanges entre les groupes humains, un raffinement et une symbolique qui lient les vivants aux esprits des animaux.
Les années passent, et dans les années 1950, après de longs travaux d’étude et de préservation, les objets retrouvés prennent la route d’un autre sanctuaire : le Musée national de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac, en Dordogne. Ce musée, spécialisé dans les traces laissées par les premiers hommes, offre un cadre idéal pour conserver et exposer ce qui reste de cette dame disparue depuis si longtemps.
Mme Daynès a entrepris la reconstitution de cette femme en taille réelle, en utilisant les ossements humains ainsi que les divers objets retrouvés lors des fouilles archéologiques. Grâce à son expertise en paléontologie et en reconstitution, elle a pu analyser minutieusement les éléments découverts et reconstituer avec précision l’apparence de cette femme préhistorique. Chaque détail, qu’il s’agisse de la structure osseuse ou des artefacts associés, a permis de recréer de manière fidèle et scientifique l’image de cette femme telle qu’elle pouvait apparaître à l’époque, offrant ainsi une vision plus concrète de la vie de nos ancêtres.
Ainsi, l’histoire de la Dame de Saint-Germain-de-la-Rivière, commencée dans un tumulus isolé de la Gironde, se poursuit dans les couloirs de la science et de l’histoire, avant de trouver sa place au cœur des Eyzies, où elle continue de fasciner et d’intriguer ceux qui cherchent à comprendre la vie de nos ancêtres lointains.
Source : le livre “Les grandes heures de l’Aquitaine”, Bernard Poitevin de l’association de la sauvegarde du patrimoine et le journal Sud Ouest du 07/05/2003